La mer qui nourrit
Si vous voulez les attraper avant que les énormes tracteurs ne poussent les bateaux à la mer, il faut se lever très tôt. Être sur la plage avant que la Lune ne se couche à l’horizon, cela si c’est la pleine lune ou le début de la nouvelle lune. Ce qu’il faut surtout savoir, c’est qu’ils ne vont en mer que lorsque la marée est basse, qu’il y a peu de vent, un ciel dégagé et une mer calme. Sinon, les filets restent sur les embarcations immobiles dans le sable.
Bien des fois, je suis allé à la plage, partant du Ramalheiro à vélo pour me rendre à la plage de Mira. Souvent, en arrivant, je découvrais une étendue de sable déserte, des mouettes en masse formant un tapis de plumes sur le sable blanc. En regardant l’horizon, je voyais une mer agitée, soufflée par le vent, sans aucune embarcation en vue. Et je marchais sur cette immense étendue de sable, depuis le sud de la plage jusqu’à la partie nord, presque au Poço da Cruz.
C’était en novembre, une période où ils vont peu en mer. Mais si on a de la chance, on peut assister à ce spectacle. Un mardi, je me suis levé à six heures du matin, j’ai pris mon café comme je le fais toujours, en compagnie de ma grand-mère. Ensuite, je suis parti, montant sur mon vélo en direction de la plage. Ce matin-là, il faisait frais, mais le soleil brillait dans le ciel, avec peu de nuages. Nous étions au début de la nouvelle lune, c’est-à-dire que plus on avançait dans cette phase, plus la marée basse se produisait tard. En arrivant, la mer était calme, une légère brise venant de l’ouest faisait flotter mes cheveux dans un mouvement doux.
La marée était encore haute mais commençait à baisser. J’ai attendu quelques heures, me promenant le long du rivage, observant tout sans penser à rien. Je marchais sur les passerelles, prenant quelques photos du paysage maritime. Et là, en regardant ce jardin d’eau, je me suis senti faire partie de quelque chose de plus grand. J’ai ressenti l’essence de mon héritage dans la beauté de cet immense océan.
J’étais sur le point de renoncer quand j’ai aperçu au loin une agitation dans le sable. J’ai vu des tracteurs bouger sur la plage et j’ai couru pour voir ce qui se passait. Et là, ils étaient en train de se préparer à partir en mer. En m’approchant, je n’ai eu que le temps de sortir mon appareil photo, de le mettre en mode rafale, et de commencer à photographier. En quelques secondes, les vagues avaient déjà englouti le bateau qui se trouvait à quelques mètres de moi.
Il faut environ une heure pour que les pêcheurs jettent leurs filets en mer et reviennent sur la terre ferme. Je me suis alors assis à quelques mètres des machines en observant le bateau disparaître à l’horizon. Je regardais la seule femme du groupe préparer une table avec des caisses en plastique où seraient placés les maquereaux, sardines, raies, dorades, lançons et tout autre poisson retiré de la mer.
Je n’ai parlé à personne, peut-être par timidité, ou peut-être parce que toutes ces personnes dégagent une certaine froideur, un silence. Leurs peaux sont bronzées par la brise marine, et dans leurs regards, on peut lire une collection de souvenirs d’un temps que je n’ai pas vécu.
Quand ils ont vu le bateau s’approcher, un nuage de mouettes s’est levé dans le ciel, créant au-dessus de ma tête une couverture de plumes blanches qui laissait à peine passer les rayons du soleil.
Une fois les filets sortis, le travail commence. Ils sont ouverts et les poissons exposés. Une sorte de tri désorganisé débute, les caisses et les écailles volent dans tous les sens pendant que les pêcheurs discutent de sujets divers auxquels je n’ai pas vraiment prêté attention...































